Dans la salle de bain de Miss Dicky

Dans la salle de bain de Miss Dicky, il y a tout ce qu’il faut pour devenir une drag-queen en deux temps, trois mouvements. Enfin, pour être honnête, il faut plutôt compter quelques heures. « Pour certaines drag, une transformation peut prendre jusqu’à six heures », ajoute Kris. Ici, appelons-le Miss Dicky (lire aussi son portrait, « Miss Dicky la Bulgare »). N’y comptez donc pas pour cette Grenobloise, elle n’en aurait pas la patience.

Depuis qu’elle a repris le drag, elle s’entraine à se maquiller. « En Bulgarie, ma drag-mother m’a tout appris… sauf le maquillage ». Et comme Miss Dicky s’est absentée pendant deux ans avant de faire son grand retour sur la scène grenobloise, en octobre, certains gestes sont un peu rouillés. « J’en ai marre de ces sourcils qui ne tiennent pas, s’exclame-t-elle. Tu vas assister à ma transformation et peut-être aussi à ma démission de drag-queen ! » Rien qu’une plaisanterie, parce qu’à l’observer, déterminée devant son miroir, on ne saurait douter que Miss Dicky prend du plaisir à être ce qu’elle est.

Pour tout comprendre de sa transformation, voici les trois étapes par lesquelles est passée Miss Dicky.

Étape 1 : la transformation du visage

« On commence ? », sourit-elle. D’un bond, Miss Dicky saisit un filet pour tenir ses cheveux et fonce dans sa salle de bain. D’abord, d’un geste assez improbable, elle prend un stick de colle UHU bleue et en étale vigoureusement sur ses sourcils. « Il faut absolument les masquer. Et si j’utilise de la colle bleue, c’est parce qu’il permet de neutraliser la couleur de boils. Sinon, avec le maquillage par dessus, ça peut virer au rouge. » Une autre technique, plus radicale, consiste aussi à se raser ou s’épiler les sourcils. « Le truc avec ça, c’est que quand tu es en homme, tu ne ressembles plus à rien », commente-t-elle.

« On ne fait pas ça pour se moquer des femmes mais pour s’exprimer »
– Miss Dicky

Une fois les sourcils bien rangés, Miss Dicky se recouvre le visage de fond de teint « pour cacher tous les défauts de la peau ». Ensuite, il faut sculpter le visage pour faire disparaitre les traits qui pourraient être perçus comme trop masculins. « On fait du contouring. Je creuse mes joues et les coins du nez avec une couleur foncée. Sur l’arrête, je met du blanc de clown pour que ça ressorte bien ». Là encore, une autre technique existe : « Certaines mettent un faux nez. Mais ensuite, il faut réussir à le porter toute la soirée… » Fards à paupières, rouges à lèvres et paillettes s’enchainent. « J’essaie d’être une vraie femme, autant que je le peux ». Une vraie femme ? N’est-ce pas un stéréotype de la femme, plutôt ? Saisissant une énième palette, Miss Dicky rétorque : « On ne fait pas ça pour se moquer des femmes ou pour les rabaisser en disant qu’elles se maquillent trop mais pour s’exprimer ! »

Étape 2 : transformation du corps

Miss Dicky a-t-elle besoin d’un soutien gorge ? « Non. Pour accrocher mes faux seins, j’utilise du gros scotch, tout simplement. Comme ça, je suis sûre que pendant mes performances, tout reste en place », dit-elle, en joignant le geste à la parole. Tout en faisant le tour de son buste avec du scotch marron, Miss Dicky presse ses faux seins en silicone contre elle pour les maintenir. « Ca ne coute pas très cher, on peut avoir ça pour une trentaine d’euros sur Amazon. Mais il existe aussi des prothèses qui coutent super cher et qui s’enfilent comme un t-shirt. Là, il faut compter dans les 300 à 400 euros. »

Et puisqu’on parle d’intimité, Miss Dicky a également acheté une culotte qui cache les parties génitales. Ça, c’est la version soft. Le sous-vêtement est simplement renforcé sur le devant afin de lisser les formes du sexe masculin. « Il y a des tutos sur Youtube qui expliquent comment faire pour tout cacher. Mais il y a certaines techniques que je ne ferai jamais ! » La drag-queen saisit son portable et lance une vidéo Youtube. Sur la chaine de Trinity the tuck, on peut notamment apprendre à cacher son sexe avec de la colle en spray et du gros scotch.

« Je n’ai pas envie d’utiliser des produits trop forts, poursuit-elle. C’est bien trop de souffrance. » Sans parler du mystère qui plane toujours sur un point essentiel : comment faire pour se retenir d’aller aux toilettes pendant toute une soirée ? « Je ne sais pas comment ils font. » Selon Miss Dicky, d’autres souffrances existent comme celles du corcet, utilisé par certaines drag-queens pour affiner leur silhouette.

Étape 3 : parfaire son look

Plutôt avec ou sans collants ? Jambes rasées ou avec des poils ? Après avoir enfilé trois paires de collants pour masquer ses poils, Miss Dicky n’est pas satisfaite. « La couleur, ça ne va pas. Je les ai commandés sur Internet, c’est sensé être couleur chaire… mais c’est tout gris ! » Alors, direction la salle de bain pour une épilation express. « Normalement, je ne le fais pas… mais pour cette fois, ce sera mieux sans les poils sur mes jambes. » Miss Dicky enfile sa robe, sa perruque et ses longs talons hauts. « C’est ce qui fait le plus mal. Il faut toujours avoir des pansements sur soit parce que les orteils sont complètement compressés ». Une petite souffrance supplémentaire qui, pour cette Grenobloise, en vaut la peine. « Je n’arrive pas à entrer dans mon personnage si je n’ai pas mes talons hauts. Pour moi, c’est le signal. »

Au total, le maquillage, la tenue, la perruque et les objets destinés à donner des formes de femmes à Miss Dicky ont couté 250 euros. Avec tout ça, Miss Dicky espère bien convaincre, lors de sa prochaine soirée. « Je n’ai jamais montré ma transformation à personne, à part à mon futur mari Esteban, depuis que je suis arrivée à Grenoble. La prochaine soirée à laquelle je participe, j’inviterai tout mes amis pour qu’ils découvrent enfin qui est Miss Dicky. »