Les deux visages de Medusa Dickinson

«Je ne vais pas te faire ce cinéma de “nous sommes deux”», sourit Christophe. Pourtant ce jeune Nîmois a bien deux visages. La nuit, quand l’envie lui prend, il ouvre ses palettes de maquillage et coiffe sa perruque. En quelques heures, il atténue ses traits masculins et change de genre. Comme par magie, sous un nuage de fond de teint et de paillettes, il devient Medusa Dickinson. Une drag-queen réputée de la scène LGBT+ montpellieraine. Enlevons une seconde sa perruque et son maquillage extravagant. Derrière ses longs cils, il y a bien Christophe. Une personne pleine de sensibilité et de bienveillance. Homosexuel et militant.

Une pincée de Christophe et un peu de Medusa. Dans ce mélange des genres, c’est toujours la même personne que l’on aborde. « Medusa m’a juste forcé à avoir confiance en moi”, précise-t-il. Une confiance qui lui est nécessaire pour éduquer les consciences et lutter contre les discriminations qu’il a pu subir dans sa vie. À cause de son homosexualité. Quand il était plus jeune, les insultes homophobes le rendaient triste ou colérique. Aujourd’hui encore, quand il enfile les talons de Medusa Dickinson, il prend le risque de choquer. Voire même, de provoquer le dégout de certaines personnes qui ne supportent pas les drag-queens ou la simple présence de la communauté LGBT+.

« Ça fait 23 ans que je suis homosexuel, 23 ans que je subis des violences »

Avec du recul, maintenant, ces remarques l’affectent moins. Il voit les choses différemment et réussit à prendre de la distance : « La réaction violente par les mots est une forme de violence, mais elle n’est pas grave. Les insultes ne sont pas graves non plus. Les comportement violents, en revanche, font peur. Mais je ne vais pas te mentir, ça fait 23 ans que je suis homosexuel, 23 ans que je subis ça. Je n’ai plus trop peur, en fait ».

Mère de la House of boner

« On a fait un faux mariage avec Robin des doigts lors d’une performance et depuis nos personnages se considèrent comme mariés l’un et l’autre », explique Christophe. Medusa et Robin forment donc un couple marié… d’un homme et d’une femme ! « C’est assez drôle dans le milieu drag. On est la première house en France à dire que notre house est née d’un papa et d’une maman. » Le but de cette union est de pouvoir créer une house. C’est un regroupement de drag-queens et de drag-kings. Baptisée la “House of boner“, elle leur permet d’interpréter une sorte de farce de l’hétérosexualité et de la famille parfaite. « C’est pour ça qu’on s’appelle la Maison du boner. Avec un papa, une maman, les enfants et le golden retriever, la sortie du dimanche à la messe et tout ces trucs à la con. Nous, notre messe, ça va etre de remuer nos fesses sur du Madona ».

Grâce au drag, il arrive plus facilement à engager la conversation pour faire connaître sa passion et tenter d’élever le débat. « Que ça ne plaise pas, je m’en fiche. Il y a plein de trucs dans la vie qui ne plaisent pas. Mais ce n’est pas pour autant que l’on va cracher dessus. Avec le drag, c’est pareil ». Et quand la discussion n’est pas possible et que les violences physique deviennent une menace, Christophe a la solution : « Si quelqu’un essaye de me toucher je vais sacrément lui maraver la gueule parce que je n’ai pas pris des cours de self-défense pour rien ! Et crois-moi, ça impressionne une drag-queen qui se défend ! »

Bientôt des ateliers de self-défense ?

Méfiez-vous donc des drag-queens. Face aux comportements violents, elles ont une arme redoutable : des talons hauts. « Et un coup de talon dans la tempe, crois-moi, ça peut faire très mal », lâche-t-il. Plus sérieusement, avec la House of Boner (lire l’encadré), Christophe envisage d’organiser des cours collectifs de self-défense. « On fait souvent face à de l’insécurité en ville. C’est le cas des femmes, aussi ! Alors, pourquoi est-ce qu’on ne ferait pas un événement, ensemble, pour apprendre à se défendre ? Tu t’imagines, toi, casser la gueule à des gens avec des drag-queens et des drag-kings ? » Le cours en lui-même pourrait être intéressant pour Christophe, qui cherche à tout prix à lier le grand public à la communauté LGBT+.

Avec tout cela, il était impossible pour ce Nîmois de créer une drag-queen seulement divertissante. La danse, ce n’est pas vraiment son truc. Alors, quand Medusa Dickinson est de sortie, elle est militante et engagée pour les droits LGBT+. Pour ses propres droits, en fait, et pour affirmer sa liberté d’aimer et d’être ce qu’elle est. Chaque pas que fait Medusa est une revanche que Christophe prend sur la vie : « Le fait de sortir dans la rue avec des talons et du rouge à lèvres, c’est un acte militant. Nous, on essaye de le politiser encore plus. On veut faire réfléchir notre communauté mais surtout les autres. Sensibiliser à l’homophobie mais aussi à la transphobie, la biphobie, le racisme, la misoginie… » Un long combat que Christophe compte bien mener de front. Seul. Et le soir, avec Medusa Dickinson.